Le
vent chaud d’août soufflait dans ses cheveux, lui ramenant de
fines mèches devant les yeux. Elle fixait la fin de l’avenue,
suivant parfois du regard les rares voitures qui la remontaient. Les
lampadaires projetaient leur lumière orangée sur le bitume. L’arbre
en face du balcon de l’appartement se tenait bien droit, ses
feuilles bruissant légèrement dans la brise. Elle adorait ce moment
de la nuit. La ville était si silencieuse, et pourtant si vibrante
et chaleureuse : dans cette douce tranquillité, on pouvait
ressentir les cœurs battre, se mêler et s’unir au sein même des
profondeurs nocturnes. L’étreinte des amants, les retrouvailles
d’un couple, l’amour solitaire, perdu dans la contemplation des
étoiles, dans lesquelles on retrouve le visage de l’être aimé,
la petite fille frissonnant à l’idée du jour qui se lèvera, et
des rencontres opportunes qu’il entraînera
dans son éveil. Siobhan ferma alors les yeux en respirant
profondément, et écouta les battements de son propre cœur. Lents
et réguliers. Elle se laissa petit à petit emporter par cet
enchaînement
de pulsations, et fut bientôt bercée, jusqu’à ce qu’un nouveau
battement se fit entendre, plus rapide, plus saccadé. Les deux
vibrations, fondamentalement différentes, s’opposèrent d’abord
en un désaccord inévitable, puis parurent se rejoindre en quelques
pulsations retentissant hasardeusement
à l’unisson. Un autre battement se mêla aux précédents, se
glissa à contretemps au travers du rythme incertain du second, comme
pour le compléter. Une image furtive apparut alors dans l’esprit
de Siobhan, qui n’eut le temps de saisir que le portrait éphémère
d’une étreinte entre deux cœurs. Un troisième son retentit, plus
en accord avec l’organe vital de la jeune fille, quoiqu’il fût
plus profond, car plus éloigné. Bientôt, tous ses cœurs battirent
en une symphonie intime, vitale et désaccordée, mais pourtant si
harmonieuse. L’harmonie des plus petites choses, même contraires
et opposées, constitue la plus belle et douce musique aux oreilles
de celui qui sait l’écouter.
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